© Mikha Wajnrych
© Stéphane Jossart
Cie Mossoux-Bonté

Le corps de l'objet

"Pourquoi ce désir de donner vie à de l’inanimé, alors que j’ai un corps-outil "sous la main" ?

J’ai trouvé un semblant de réponse dans le parallèle que l’on pourrait faire avec la pensée taoïste, notamment dans la lecture que donne le sinologue François Jullien du "Jardin Grand comme un Grain de Moutarde" :

"La peinture lettrée, en Chine, a préféré la figuration d’une tige de bambou, ou d’un rocher, à celle du corps humain (...). Les uns, pouvant prendre toutes les formes, n’apparaissent que s’ils ont une cohérence interne, alors que le corps humain a une forme constante. Il s’agit de trouver cette cohérence interne qui fait qu’un rocher "vaut" comme rocher, en lui laissant prendre forme.""En considérant le corps humain, on doit s’intéresser au souffle-énergie (qi) ainsi qu’à l’ossature. Or, les rochers sont l’ossature du Ciel et de la Terre, et le souffle-énergie les habite aussi. C’est pourquoi on appelle les rochers "Racines de nuage". Des rochers sans souffle-énergie sont des rochers morts (pétrifiés) exactement comme l’ossature d’un corps humain sans souffle-énergie est une ossature morte." "Il suffira de laisser paraître à travers la masse rocheuse les lignes de force  répandues au travers de sa configuration et par lesquelles circule l’énergie cosmique comme au travers des conduits énergétiques du corps humain."

Mes mains manipulatrices deviennent donc "l’ossature" de l’objet, et toute la démarche consiste à trouver son "chemin d’âme" en me laissant guider par sa forme initiale et sa matière constituante. En tenant finalement assez peu compte de ce pour quoi il a été fabriqué, bien que cela influe indirectement ses "capacités". De la même manière les sons, directement liés à la manipulation, agissent en trompe-l’oeil. Issus du mouvement, ils évoquent  des univers qui débordent de la réalité première de l’objet, amplifiant leur portée, élargissant leur champ d’action."

 

Nicole Mossoux • 2008