© Patrick Bonté
© Fabienne Cresens
Cie Mossoux-Bonté

Presse

« Whispers », Spectacle inspiré pour danseuse hantée

Whispers, c’est une oeuvre intense et crépusculaire, terriblement belle et terriblement inquiétante en même temps. Sur le plateau, Nicole Mossoux, danseuse mais aussi manipulatrice, et surtout les multiples fantômes qui la visitent. L’obscurité, la musique et les bruitages jouent un rôle central dans la mise en place d’une ambiance indescriptible, à la limite du film d’horreur. Une grande réussite, émotionnellement puissante, visuellement magnifique.

Whispers, ou “murmures” en anglais. Ici, en guise de murmures, l’espace est certes parfois traversé de chuchotements, mais il peut tout aussi bien être déchiré par des hurlements, ou des sons bestiaux ou dissonnants. Si L’Exorciste avait été porté sur un plateau, pour être incarné par une unique interprète, on s’imagine que cela ressemblerait un peu à cela. C’est un hommage rendu à l’efficacité de Whispers: le spectacle établit efficacement et durablement une inquiétude craintive, une disposition d’esprit chez le spectateur qui le maintient au bord de son fauteuil, les nerfs à fleur de peau, mais avide d’en voir davantage.
Et pourtant, ce qui se passe sur la scène n’est pas ouvertement spectaculaire. Point de d’hémoglobine, pas vraiment d’effets spéciaux. Mais des gestes désordonnés, qui font penser que Nicole Mossoux est visitée par plusieurs esprits, qui la possèdent. Des apparitions subreptices, tantôt ectoplasmiques, tantôt nettement incarnées: chemises de nuit animées, créatures duveteuses aux mains balladeuses, les apparitions sont énigmatiques, inattendues, et semblent plus soucieuses de s’emparer des attributs féminins de la danseuse que de son âme.
Le spectacle est étrange et habité, de bout en bout. La menace n’est jamais précise, il n’y a pas d’histoire à suivre, mais la tension dramatique est présente de la première à la dernière seconde. La gestuelle précise de Nicole Mossoux est mise au service d’une recherche sur le corps dans ce qu’il peut créer d’inquiétant: mouvements saccadés, positions désarticulées, postures anormales, tout concourt à entretenir le malaise du spectateur. Nicole Mossoux se métamorphose d’une possession à une autre, d’un tableau à un autre: parfois petite fille, parfois femme-oiseau, parfois pantin désarticulé, elle reste inquiétante même dans les danses les plus sensuelles.
La mise en scène y contribue efficacement. Le plateau est presque vide, à part une sorte de podium en escalier en fond de scène. Les lumières sont extrêmement ténues et froides, et l’obscurité, selon qu’elle recule plus ou moins, selon qu’elle choisit de dissimuler au regard telle partie du corps ou telle partie du plateau, constitue une entité à part entière dont la présence tangible accompagne tout le spectacle. Les bruitages, inquiétants, tantôt organiques, tantôt minéraux et froids, sont extrêmement réussis. La musique est digne d’un film d’horreur.
Au final, on retiendra de ce spectacle son ambiance si puissamment étrange, et la performance gestuelle de Nicole Mossoux, dont la précision et la concentration totale rendent crédible – et donc inquiétante – la possession. Peut-être le spectacle s’essoufle-t-il un peu dans la longueur. Peut-être aussi les bruitages sont-ils finalement trop présents, comme pour créer par le son une atmosphère angoissante qui existe pourtant déjà par le geste de la danseuse-manipulatrice; cela pourrait dénoter un manque de confiance dans l’intensité de ce qui se passe sur le plateau, et ce serait à tort.
Une expérience forte, singulière, inquiétante, une oeuvre aussi esthétique qu’intense, c’est ce à quoi le spectateur de Whispers est convié. Un spectacle qui a toute sa place dans le festival MARTO, mais qui mérite d’être vu par un public beaucoup plus large.

Mathieu Dochtermann, Toutelaculture.com / Mars 2016

 

Murmure des fantômes

Les manipulations, les objets, les marionnettes, les ombres, le double : Nicole Mossoux explore depuis longtemps ces univers faussement solitaires. En découvrant ce nouvel opus, on pense à "Kefar Nahum", au merveilleux monologue à plusieurs "Twin Houses", "Light", mais aussi "Gradiva", ou encore "Katafalk", voire "Juste ciel", qui marquait il y a trente ans les débuts de la Cie Mossoux-Bonté.

Le corps et ses appendices, ses excroissances comme des compagnons étranges, inquiétants parfois, habitent ces mondes-là. On les retrouve dans "Whispers" - créé en octobre dernier à la Balsamine -, avec la complicité de Colette Huchard aux costumes et de Johan Daenen à la scénographie.

Si la musique a toujours tracé de sinueuses courbes dans les pièces de Mossoux-Bonté, le son ici prend une texture particulière, avec les bruitages et objets sonores de Mikha Wajnrych, la microphonie et la musique live de Thomas Turine.

Danse de réminiscences

La femme seule qui apparaît sur la scène ne l’est peut-être pas. Autour d’elle ça gronde et ça respire, ça chuchote et ça cliquette, ça grince et ça grommelle.

Elle-même - que sa vêture et les lumières (signées Patrick Bonté) font ressembler à un personnage de Vermeer - se révèle multiple. Enfant et ancêtres, feu follet et fantôme, vivante vestale d’esprits vagabonds.

La danse, ici, croise bien loin du ballet. Hybride, emplie de réminiscences, elle théâtralise le mystère et absorbe les eaux troubles. En dentellière aux mains expressives, au visage où se mêlent grâce et stupeur, Nicole Mossoux convoque les forces obscures que cachent les murmures.

Il y a de la magie, une joie trouble, une fascinante gravité, une vibrante étrangeté dans ce solo pluriel. "Whispers" ainsi s’inscrit sans faiblir dans le bel espace-temps d’une compagnie à l’écoute du secret.

Marie Baudet, La Libre / Août 2016

 

Nicole Mossoux a créé à Paris son nouveau solo, en ouverture de la Biennale internationale de la Marionnette.
Whispers, ce sont ces murmures intérieurs, envoyés par les fantômes qui peuvent vous habiter sans crier gare. Certains viennent de loin. Ils vous traversent l’inconscient, toujours en embuscade, à la recherche de quelque bouffée d’oxygène. Quand on les convoque sur scène, quand ils y trouvent une faille, ça produit des sifflements drôlement grinçants, des mots ou des mouvements qui surgissent apparemment de nulle part. Ça murmure d’une façon drôlement grotesque.

Voilà ce que nous suggèrent Nicole et son acolyte de toujours, Patrick Bonté. Mais Mossoux, portée par les objets sonores de Mikha Wajnrych, va plus loin encore dans son personnage de Flamande hantée. Les voix intérieures prennent la forme d’objets, de vêtements, de parties de son propre corps qui échappent à tout contrôle. Comme dans son grand classique Twin Houses, elle manipule pour créer l’illusion d’être manipulée.

Seule en scène mais incarnant des femmes de toutes époques et leurs obsessions, Mossoux sait créer moult stupéfaction. Frissons de l’inconscient sous perruques d’époques diverses, frayeurs face aux mouvements incontrôlés sous ses jupons, terreur de la chemise de nuit blanche qui devient son propre fantôme, horreur quand les aiguilles à tricoter réveillent une histoire d’avortement. Statue au visage blanc, model à lunettes de soleil, cette femme tremble. Seulement quand elle se met à danser, elle retrouve l’unicité de son être.

Nicole Mossoux et Patrick Bonté n’ont eu de cesse de dialoguer avec les peintres, du Moyen Âge à la Renaissance. Ici tout commence par un clin d’œil caustique à la peinture flamande, à Jan Van Eyck, par exemple. Mais les références concernent aussi leurs propres créations, et ce jamais plus que dans un troublent tableau de dédoublement, référence  très concrète à Twin Houses, devenu un classique de la compagnie. Whispers illustre à son tour les vertus d’une longue recherche sur l’art du geste et la force métaphorique des objets, à laquelle s’ajoute ici un univers sonore aux effets burlesques. Les murmures corporels qui traversent la pièce et ses personnages résonneront longtemps dans nos têtes…

Thomas HahnDanser Canal Historique / Mai 2015

 

En 2008, lors de la toute première édition de Manipulate, la Compagnie Mossoux-Bonte fut le héraut de ce que nous attendions pour la suite du festival. Light nous apparut ensuite comme un tour de force de jeu d'ombres et d'illusions optiques protéiformes. Dans Whispers, leur nouvelle production, Nicole Mossoux se transforme avec une agilité invertébrée, multipliant les métamorphoses, son corps servant de truchement aux âmes en peine qu'elle surprend à errer près d'elle. La bande sonore grince, crisse et claque avec la brutalité d'un cauchemar pendant que Mossoux – par la seccousse habile d'un vêtement ou la dislocation d'un membre – incarne tour à tour les échos de deuils passés, séductions, abus jusqu'à la domesticité en apparence sans vague des tableaux de Vermeer. Tour à tour grotesque ou incommodant, le spectacle est irréfutablement captivant. 

Mary Brennan, The Herald / Janvier 2017

 

Cela fait 30 ans que les complices Mossoux-Bonté nous posent des peaux de banane visuelles pour nous faire voire double (au moins). De Twin Houses à Whispers, en passant par Kefar Nahum, le thème romantique du doppelgänger hante leur "série" chorégraphique, dans l’angoisse mêlée d’humour. La source et le moteur de l’action sont plus que jamais les "sons", bruts ou harmonieux, fabriqués en direct par deux complices Mikha Wajnrych et Thomas Turine. Ils font surgir des fantômes agitant l’âme et le corps de la danseuse qui subit et fomente son propre exorcisme. Assise, couchée, debout ; statique, concentrée, dépliée; en marche, en flamenco esquissé ou offerte, à même le sol : Nicole Mossoux est visuellement en constante métamorphose colorée où la perruque joue un rôle majeur l’aidant à sculpter sa propre marionnette. Avec des références picturales, classiques, à la peinture flamande, clin d’œil référentiel qui nappe la performance de subtiles beautés.

Christian Jade, RTBF.be / Octobre 2015