© Danièle Pierre
© Mikha Wajnrych
Cie Mossoux-Bonté

Vous reprendrez bien un peu des « Buveuses de café »

Deux femmes. Incroyablement semblables. Attablées dans un même lieu, posant les mêmes gestes. Puis de petits glissements qui les transforment, les éloignent, les fragilisent : ce sont Les buveuses de café, court spectacle de la compagnie Mossoux-Bonté qui a déjà connu une belle carrière. À l’occasion du Brigittines International Festival, le duo livre une nouvelle version de cette pièce pas comme les autres. Patrick Bonté, par ailleurs directeur artistique du festival, en explique les raisons.

Quel est l’argument de base des « Buveuses de café » ?

L’idée de base, c’est la rencontre de deux femmes dans un salon de thé au confort feutré, deux élégantes en tailleur Chanel fuchsia, assises à deux tables côte à côte. Elles sont prises dans un jeu de symétrie obsessionnel. Mais dans lequel interviennent accidents, dérapages, failles intimes. Elles sont prises entre la représentation et ce qui leur arrive. Petit à petit, on les voit comme deux personnes en train de se décomposer.

Pourquoi en livrer une nouvelle version aujourd’hui ?

À l’origine, la pièce durait entre 30 et 35 minutes. Mais depuis le début, on avait envie de la voir grandir et se développer pour entrer plus profondément dans la situation de ces deux femmes.

Comment se concrétise cette nouvelle vision ?

À l’intérieur de leur histoire s’ouvre une nouvelle scène. Une sorte de flash-back avec un troisième personnage qui serait comme leur désir réalisé de fusion. Cette figure supplémentaire commence son apparition par là où elles finissent et finit là où elles commencent. Elle fait la même traversée mais en sens inverse.

Qu’apporte ce personnage ?

C’est la concrétisation de notre désir que le spectacle soit la mise en abyme de lui-même. Bien sûr, il est un peu difficile d’en parler sans dévoiler le mystère de cette apparition. Mais avec le travail sur la lumière et la scénographie, on comprend assez vite qu’elle surgit puis se développe dans une folie assez douce. Elle est peut-être le rêve des buveuses à moins que celles-ci ne soient le fantasme de cette personne. Le décor et la lumière contribuent à donner un côté « lynchéen » à tout cela. On est un peu dans une ambiance de funérarium américain, aseptisé avec un incroyable côté feutré.

Vous avez souvent abordé la notion du double dans vos spectacles précédents…

Oui mais cette fois, nous le faisons de manière claire et avouée. Précédemment, le double était une ombre ou une marionnette. C’était fantasmatique. Ici, on rentre pleinement dans le sujet.

Vous jouez aussi avec l’image de la représentation comme dans plusieurs spectacles que vous programmez dans le festival…

Oui, l’invention sollicitée dans le spectacle est le vrai lieu de la libération. On retourne la situation contre elle-même en en faisant une chose jubilatoire. Et parfois même réjouissante.

Entretien de Jean-Marie Wynants avec Patrick Bonté pour Le Soir • 2013